À l’approche de l’automne, les traditions du monde entier semblent partager une même intuition : c’est le moment de se retirer, de se souvenir, et d’honorer ce qui s’en va. En médecine chinoise, cette saison correspond à l’élément Métal, à la couleur blanche, et à l’organe du Poumon, de nature Yin. C’est une période de retour vers l’intériorité, où l’énergie de la nature redescend vers les racines, un temps de lâcher-prise, de deuil et de clarté. Ce qui rend le Poumon particulièrement fascinant, c’est qu’il abrite une dimension spirituelle appelée le Po (魄), l’âme corporelle. Le caractère Po est formé de 白 (bái), qui signifie blanc, et de 鬼 (guǐ), qui signifie fantôme. Cette composition n’est pas anodine : elle illustre la nature du Po, une âme yin, dense et matérielle, liée au corps physique, à la survie et aux instincts fondamentaux. C’est elle qui réagit au danger, qui veut préserver la vie, qui ressent la peur, la tristesse ou l’attachement. Dans la vision chinoise, le Po retourne à la Terre après la mort, tandis que son complément, le Hun (魂), l’âme yang logée dans le Foie, s’élève vers le Ciel. Le Hun représente l’esprit, la conscience, la créativité ; le Po, lui, incarne la mémoire du corps et la dimension instinctive de la vie. L’un monte, l’autre descend, comme le souffle qui relie la respiration du ciel et de la terre. Ce lien profond entre le Poumon, le Métal, la couleur blanche et la notion de deuil se reflète aussi dans la culture chinoise : lors des funérailles, on s’habille traditionnellement en blanc, couleur associée à la pureté et à la dissolution du Po. À l’inverse, pour les mariages, on choisit le rouge, symbole du Feu, de la joie et de la vitalité. Une différence culturelle frappante avec l’Occident. Et n’est-ce pas curieux de constater que, chez nous aussi, les fantômes sont blancs, et que la fête de l’Halloween, dédiée aux esprits, a lieu justement à l’automne ? Comme si, à travers les continents, une même sagesse naturelle avait reconnu ce moment de l’année comme celui du passage, du souvenir, et de la respiration entre deux mondes.